extrait du journal de "GAD" mon grand pére

31 mars 1917
depuis cette date l état major de la 10e armée s est fixé à Crugny et occupe une très grande et très belle ferme dans la grande rue de la localité peu d activité l EM semble au repos
mon poste radio est aussi en semi activité seul un service d écoute générale des postes allemands et français est assuré
14 avril 1917
8h reçois l ordre de me rendre et de me mettre aussitôt en station à la ferme de Beauregard en face de Craonne et du chemin des dames
chemins defoncés,routes encombrées nombreuses troupes en marche vers le front tout cela sent l offensive proche arrivée à 2h après midi à Beauregard je me met en station dans un grand près à coté de la ferme. À 4h un obus de gros calibre tombe dans la cours de la ferme et un artilleur qui faisait boire ses chevaux est tué prés de l abreuvoir
j ai peur d avoir été déjà repéré par les boches.je camoufle le mieux possible mes voitures avec des branches d arbres seul le mat de l antenne reste visible.
la ferme de Beauregard est située juste en face du chemin des dames et de Craonne et sur la rive opposée de la vallée de l Aisne ... la vue sur la vallée est splendide et totale c est un merveilleux observatoire cependant on ne voit pas les maisons de Craonne qui doivent être derrière les collines du chemins des dames. On aperçoit les tranchées à flans de coteau le temps est très beau le front est calme
15 avril 1917
des officiers de l état major arrivent à la ferme par petit paquets. Ils m annoncent une grande offensive va avoir lieu demain sur le chemin des dames et qu'il faut me tenir prêt .Notre état major s occupera particulièrement du secteur de Craonne. De nombreuse troupes et matériel passent sur la route vers le front beaucoup d artillerie. Beaucoup descendent dans les ravins, en face de nous d autre vont plus à gauche les hommes défilent en silence beaucoup paraissent soucieux et fatigués ce n est plus l enthousiasme de 1914.
On s agite beaucoup aussi à l état major les officiers et le personnel de l EM arrivent nombreux activité fébrile. On s installe on s affaire de tous cotés. Tout le monde espère que l offensive va réussir .moi aussi j ai confiance le moral est bon à l état major de la 10e armée.
vers 6 h du soir un bruit alarmant circule à l état major il parait que dans l après midi les boches ont étalés des caliquots et des draps portant l inscription en français "nous savons que vous attaquez demain matin nous vous attendons"
c est un jeune lieutenant de l EM qui me glisse ça à l oreille je suis atterré
en effet les officiers paraissent soucieux, cela aurait une grande influence sur le moral des troupes d'assaut .il parait que c est dans les tranchées ,devant Craonne que les faits se serait produit mais est-ce bien vrai ?n est ce pas une manœuvre des défaitistes?. Pourtant les bruits se précisent et arrivent de plusieurs points différents
une estafette du front qui nous apporte des télégrammes à transmettre nous confirme ces bruits. Ca devient sérieux. Nous sommes tous très inquiets

la suite :le scan des pages du journal à priori lisible ,une carte du secteur du chemin des dames et les jumelles de prise allemande avec lesquelles mon grand père a suivi l offensive

Merci Alain pour cette belle page d'histoire et ce témoignage poignant de "l'intérieur" sur les préparatifs, la bataille et la "pagaille" qui s'ensuit, sur les errements et les incertitudes de l'Etat major et sur les "mutineries"...
"le Général est nerveux, en colère, il s'agite...."
je ne savais pas pour les "banderoles allemandes" qui annonçaient, "venez, nous vous attendons", mais effectivement, pour les Poilus qui allaient monter, ce n'était guère encourageant...
tristes histoires, il y a déjà 100 ans....
la Der des Der qu'on a dit, à l'époque...
Pascal

Bonsoir

Quelle triste période, où nos soldats étaient envoyés à une mort certaine, pour rien , si ce n'est quelques médailles pour les donneurs d'ordre
Dans la lettre manuscrite de ton grand père, on sent tout le poids de ce drame. Son écriture me rappelle celle de mon père, pour la forme de certaines lettres. C'est un témoignage qui prend aux tripes, pauvres gars morts pour la gloire... de quelques officiers supérieurs.

Amicalement
@+ Yves

sur la carte la rivière Ailette barre tout le bas de vue:c'est la limite maxi atteinte pour l'offensive
les surcharges bleu représentent les positions soit avec un toponyme pour le système des tranchées &
numérotage pour les batteries