UCHRONIE SEDAN 1940

3ème batterie-1er groupe 155mm courts Schneider[b]

-Riquier, comment les hommes ont-ils pris la chose ?
-mal, évidemment...ordre, contrordre, désordre...cela semble être devenu notre devise...
-allons, lieutenant, ne soyez pas si pessimiste!
-comment voulez-vous que je ne le sois pas mon capitaine...si nous subissons une attaque aérienne, ce ne sont pas nos Saint-Etienne modèle 1907 qui nous serons d'un grand secours!
-il est vrai que les coloniaux de la 3ème D.I.C. sont mieux lotis que nous avec leurs oerlikons de 20mm...mais bon, ils sont en première ligne...et puis, nous aurons notre chasse pour nous protéger.
-Dieu vous entende, mon capitaine.
-vous êtes croyant maintenant Riquier ?

[b]Etat-major de la 2.Panzer-Division


-excusez-moi de vous interrompre, mon général, un message urgent du Heeresgruppe !
-voyons-ça...
Le général Guderian fit la grimace.
-un problème, mon général ?
-d'après nos services de renseignement, les français achemineraient plusieurs unités vers la frontière luxembourgeoise...
-il n'y a pas plus de précisions?
-hélas , non...
-ils auraient éventé notre plan ?
-je ne pense pas, Ferdinand...mais pour plus de sécurité, Von Rundstedt nous alloue un corps d'infanterie pour couvrir notre flanc gauche...vous voyez, vous n'avez pas à vous inquiéter !
Le général Schaal acquiesça de la tête.
Toutefois, au fond de lui, un sombre pressentiment le tenaillait.

G.Q.G. Saacy-sur-Marne

Les généraux Prételat et Besson, se détendirent, croyant l'orage passé.
Il n'en fut rien.
-j'ai décidé de procéder à des mouvements d'unités...pour l'essentiel, ils affecteront les Groupes d'armées II et III, et dans une moindre mesure, la réserve générale. Le colonel De Gaulle est chargé de veiller à la bonne exécution de mes directives...je ne vais pas entrer dans les détails; Lagarde vous remettra mes instructions par écrit...messieurs, la réunion est terminée; vous pouvez regagner vos quartiers généraux. Je vous remercie. Georges, j'ai encore deux ou trois questions à voir avec vous...

A la sortie de la réunion, toutes ces étoiles, l'amiral excepté, affichaient des mines contrariées.
De Gaulle !!! Le chouchou du président du conseil...C'était quasiment un affront !

Fin du premier chapitre.

Les protagonistes ont été présentés et sont en place.

On peut faire un saut dans le temps.

Deux mois passent...

En mai de l'orient ne méfie
Boira ton vin jusqu'à la lie
Tes vrais amis les compteras
Du nord rien de bon ne viendra


13 mai 1940

3ème batterie-1er groupe 155mm courts Schneider

"Le ciel sur la tête"

Une sensation étrange.
Un sourd bourdonnement dans les oreilles.
Impossible d'ouvrir les yeux.
A mi-chemin entre le sommeil et le réveil ?
Il ne sent plus ses jambes.
C'est peut-être ça, la mort...
Finalement, ce n'est pas si terrible...

Une voix...hachée...
Il ne comprend pas les mots.
Péniblement, il parvient à ouvrir les yeux.
Il voit le visage de Dubois.

-mon lieutenant ! mon lieutenant !
Il essaie de se lever, mais n'y parvient pas.
-ça va, mon lieutenant ?
-je ne sens plus mes jambes...
-c'est normal, vous êtes à moitié enterré...on va vous tirer de là.
Deux autres soldats aident Dubois à le sortir de cette fâcheuse situation.

Ceci fait, il a du mal à se tenir debout et se trouve aux prises avec un tremblement incontrôlable.
-buvez un coup, mon lieutenant, ça vous fera du bien.
C'est alors qu'il se rend compte que Dubois a le visage ensanglanté.
-tu es blessé, Dubois !
-ce n'est rien, mon lieutenant, juste une égratignure...
-faudra quand-même soigner ça , Dubois.
-il y en a qui en ont malheureusement plus besoin que moi...
-beaucoup de pertes ?
-trois tués et une dizaine de blessés...sans compter tous ceux qui sont choqués...il y en a même un qui a perdu la boule...faut dire que plusieurs heures sous les bombes, ça met les nerfs à rude épreuve, même pour les plus solides...

Le lieutenant, qui reprend peu à peu ses esprits, jette un regard aux alentours.
Il ne reconnait plus la position.
Des cratères, du feu et une épaisse fumée noire qui vous agresse les sinus.
-le capitaine ?
-il était sous le Somua qui a pris une bombe direct...on n'a retrouvé que son casque.
Riquier accusa le coup.
-et Guignois ?
-il a pris une dizaine d'éclats...on l'a transporté à l'arrière...il devrait s'en sortir.
-je l'espère...et...côté matériel ?
-à première vue, trois tracteurs et deux pièces de foutus...mais faudrait y regarder de plus près.
-Dubois, à partir de maintenant, tu fais fonction de brigadier...
-merci, mon lieutenant.
-vois ce que tu peux faire pour les hommes...je vais essayer de contacter le PC du régiment.

Les souvenirs commencent à affluer.
Alerte aux avions.
Le hurlement des sirènes.
Les explosions.
Les cris.
Puis le trou noir.

Mais comment a t-on pu en arriver là ?

Vivement la suite !!!
je suis réellement accroché !!
Pascal

Entre le 9 mars et le 13 mai 1940, il s'est passé beaucoup de choses.

En avril, les allemands ont occupé le Danemark et envahi la Norvège.
Certes, la Kriegsmarine y a laissé des plumes, mais les anglais ont beaucoup de mal à se maintenir en Norvège centrale.
Du côté de Narvik, les choses se passent mieux pour les franco-polonais qui mènent la vie dure aux alpins du général Dietl.

En France, la mission du général De Gaulle ( promu pour lui donner un peu plus d'autorité, mais en faisant un bond au tableau d'avancement...ce qui lui avait valu quelques inimitiés supplémentaires ) n'avait pas entièrement été couronnée de succès.
Le moins que l'on puisse dire est que nombre de généraux d'armées avaient fait de l'obstruction.
Heureusement, ses rapports avec le général Freydenberg, nouveau chef de la 2ème Armée avaient été correct, sinon cordiaux, s'agissant des mesures à prendre pour le secteur crucial de Sedan.
Les deux hommes furent effarés de constater que les champs de mines et certaines fortifications n'avaient pas été implantés là où le bon sens l'exigeait, pour ne pas bouleverser les propriétés de notables locaux !!!
Il avait fallu, une fois de plus, remonter jusqu'au Président du Conseil pour leur faire entendre raison.
En deux mois, on ne pouvait pas faire de miracle.

Du côté de l'Italie, l'Armée des Alpes, qui se limitait à quatre divisions et autant de secteurs fortifiés, veillait au grain, à l'abri de fortifications qui n'avaient rien à envier à celles du Nord-Est.
Sur mer, la Royale et la Royal Navy affichaient une confortable supériorité sur leur homologue italienne.
Tout ceci devrait inciter le Duce à la prudence.

Après d'âpres discussions avec les politiques, le généralissime avait réussi à faire abandonner le plan Breda.
Il aurait bien voulu aussi faire annuler Dyle au profit de l'Escaut, pour éviter la bataille de rencontre.
Mais, après avoir abandonné les hollandais, on ne pouvait pas en faire autant avec les belges...et puis, pourquoi ne pas le dire, il valait mieux se battre en Belgique qu'en France !

9 mai 1940 G.Q.G. Saacy-sur-Marne

Depuis plusieurs minutes, le généralissime contemplait la grande carte fixée au mur, sans dire un seul mot.
Le colonel Lagarde n'osait pas le tirer de sa réflexion, mais sa mine soucieuse laissait comprendre que quelque chose le tracassait fortement.

-Lagarde !
-mon général ?
-c'est pour demain...
-heu...quoi donc, mon général ?
-les boches...ils vont attaquer demain !
-pardonnez-moi, mon général, mais nous avons déjà eu plusieurs alertes... sans résultat...
-je sais, Lagarde...mais cette fois-ci, c'est la bonne...tout nous le confirme...le renseignement vient de plusieurs ambassades, et surtout de notre réseau Polux, au Luxembourg.
-alors, nous y sommes...
-oui, finie l'attente...Lagarde, rappel des permissionnaires...
-bien, mon général.
-avertissez tous les chefs de Groupe d'armées et d'armées, mais par pli secret...je me méfie des interceptions radio ! Qu'ils prennent toutes les dispositions prévues par le plan Dyle.
-à vos ordres, mon général.
-contactez aussi le général Vuillemin...je veux des reconnaissances sur les Ardennes...dès ce soir !
-mais, la Belgique est neutre, mon général...
-elle ne va pas le rester encore longtemps !
-et pour la marine?
-avisez aussi l'amiral Darlan...il sait ce qu'il a à faire pour le nord, mais demandez-lui aussi d'effectuer une démonstration de force en Méditerranée, si jamais ça bouge du côté de l'Italie...au fait, où en est le transfert des 11ème et 47ème divisions d'infanterie ?
-elles seront à pied d'oeuvre au plus tard le11...
-comment le général Requin a t-il pris la chose ?
-d'après mes renseignements..heu...il ne décolèrerait pas, mon général.
-faites-lui savoir que les divisions tchèques et polonaises en formation seront pour lui.
-bien, mon général.

Pendant que le colonel Lagarde s'activait, le généralissime contempla de nouveau la carte.
Un vrai casse-tête... une décision malheureuse pouvait conduire au désastre.
La création de la 6ème armée trainait en longueur; de plus il avait dû prélever sur les réserves quatre divisions d'infanterie pour former l'embryon d'une 10ème armée, à placer à la gauche des britanniques.
Il valait mieux ne pas laisser ces derniers trop près de la mer...
Pour ce qui était du secteur de Sedan, il n'avait pu faire mieux que d'acheminer des unités de réserve de la taille d'un régiment.
Un déplacement de divisions aurait risqué d'alerter les allemands, et l' aurait contraint de faire face à une réédition du plan Schlieffen, voyant dix panzer-divisions déferler à travers les plaines belges...
La bataille de rencontre...une horreur !

Il réfléchissait tout haut.
Si leur intention est bien de percer par les Ardennes et qu'ils y parviennent...ils auront trois directions possibles, la Manche, Paris et le sud pour enrouler la ligne Maginot...
Heureusement, les sept divisions de la 7ème armée sont en réserve, et Giraud est un excellent général.
Mais sera-ce suffisant ?

toujours aussi excellent !

J'allais le dire !!!
Pascal

merci pour vos encouragements

P.C. 14ème R.A.T.T.T. 13 mai

-Riquier, enfin ! Je n'arrivais pas à joindre votre groupe...
-toutes les liaisons radio sont foutues, mon commandant.
-des pertes, chez vous ?
-oui...les hommes sont sonnés...quelques pertes aussi, malheureusement...côté matériel on a limité la casse.
-le capitaine Leroy ?
L'expression de Riquier se passa de réponse.
-bon sang, ça fait près de vingt ans que nous nous connaissions...
-je suis désolé, mon commandant...mais vous-même êtes blessé !
-oui, un éclat m'a traversé le bras gauche, sans gravité.
-bah, c'est mieux que si ça avait été le droit, mon commandant...
-je suis gaucher, Riquier ! Ne paniquez pas; un peu d'humour en ce moment ne peut pas nous faire du mal.
-et les autres groupes, mon commandant ?
-comme pour vous...je n'avais jamais imaginé ça...des centaines d'avions...toute la zone a été bombardée...
-et notre D.C.A. ?
-même les batteries de 75 ont été prises à partie...nos chasseurs ont bien fait quelques incursions, mais ils ont été submergés par le nombre.
-vous avez des nouvelles de la situation générale?
-gardez-ça pour vous, Riquier, mais elles ne sont pas bonnes...les allemands borderaient la Meuse !
-déjà !!!
-oui, malheureusement...
-quels sont nos ordres, mon commandant ?
-pour l'instant, aucun...le colonel est parti au corps d'armée pour en obtenir...vous prenez le commandement du 1er groupe, lieutenant, à la place de ce pauvre Leroy...vous pouvez disposer à présent Riquier...bonne chance...
-bien, merci mon commandant.

Le lieutenant Riquier regagna son groupe, agité de sombres pensées.
Si les allemands franchissent la Meuse, on va les avoir sur le râble dans peu de temps.
Il y a intérêt à vite se préparer pour les recevoir...

Etat-major de la 10. Panzer-division - 9 mai en fin d'après-midi.

On aurait dit une ruche !
Estafettes, téléphones...ça n'arrêtait pas !
Le général Ferdinand Schaal n'était pas aussi optimiste que son supérieur que rien ne semblait ébranler.
Les derniers mouvements connus de troupes françaises ne lui inspiraient pas confiance.
Tout jouer sur la vitesse d'exécution était un pari dangereux.
Mais bon, il savait que la Luftwaffe engagerait près de 1 500 appareils pour leur ouvrir la voie.
Cette masse d'avions devrait certainement faciliter l'avance des plus de 1 000 blindés du Panzergruppe.
Atteindre la Meuse en trois jours...pour ça, il avait pleine confiance en ses hommes.
Malgré l'agitation qui régnait autour de lui, il prit un peu de temps pour écrire une lettre à sa femme.
La lettre tout à fait banale d'un mari à son épouse.
Et pour cause...il faut dire que même le courrier des généraux n'échappait pas à la censure !

-

Etat-major Panzergruppe Kleist-10 mai-en fin de journée

  Le général Kleist était satisfait
  Pour l'instant, aucune mauvaise nouvelle; ses panzer-divisions progressaient normalement, et même un peu plus vite qu'escompté !
  A part quelques vols de reconnaissance, on ne signalait aucune intervention de l'aviation française.
  Sans doute, l'attaque surprise du matin avait dû clouer nombre d'appareils au sol, du moins si l 'on en croyait les compte-rendus enthousiastes de la Luftwaffe.
A ce rythme là, la Meuse pourrait être atteinte dès le 13.
Il n'y avait plus qu'à espérer que Guderian respecte les ordres...ce qui était loin d'être acquis !

G.Q.G. Saacy-sur-Marne-10 mai-en fin de journée

Les mauvaises nouvelles s'accumulaient sur le bureau du généralissime.
Le canal Albert avait été franchi, et la Hollande était en proie à un violent assaut aéroporté.
De plus comme confirmation des reconnaissances de la veille, les divisions de cavalerie étaient déjà aux prises avec les blindés allemands aux débouchés des Ardennes.
Il avait été stupéfait d'apprendre que les troupes belges avaient renoncé à les défendre !
Certes, les D.L.C. avaient été renforcées, mais pas assez pour tenir tête à une panzer-division.
Mission de retardement...mission de sacrifice...

-j'espère que la 9ème armée de Corap aura le temps de border la Meuse et de s'y retrancher...
-les allemands avancent vite...
-je sais, Lagarde; c'est bien ce qui me tracasse ! La cavalerie ne pourra pas les retarder longtemps...où en est notre aviation ?
-pratiquement tous les terrains ont été attaqués à l'aube...
-beaucoup de dégâts ?
-détruits ou endommagés, une centaine d'appareils, au moins.
-nos bombardiers doivent intervenir sans délais sur les Ardennes !
-heu...excusez-moi, mon général, mais le général Vuillemin a interdit les bombardements qui risquent de toucher les villages belges ...
-quoi ??? Qu'est-ce qu'il croit, que les allemands s'en inquiètent des villages belges ??!! Télégraphiez au général Vuillemin, ordre d'engager les bombardiers sur les Ardennes, et ce dès réception du message ! Cela inclut les bombardements nocturnes !

Il y avait un autre problème; le général Georges, qui avait la responsabilité du front Nord-Est , donnait déjà des signes de fatigue visibles.
Il est vrai qu'il ne s'était jamais complètement remis des blessures reçues en 1934, lors de l'attentat contre le roi Alexandre 1er.
Le généralissime se serait bien passé de ce souci supplémentaire !

Luxembourg-10 mai-vers 14 heures


Dans tous les plans, même les mieux pensés, il y a toujours une part d'impondérable...
Un grain de sable peut faire s'enrayer la plus belle des mécaniques.
Ce jour-là, le grain de sable était assis dans une magnifique Horch 853, qui roulait à vive allure sur une route luxembourgeoise.

Le général Hans Bellendorff, commandant de la 34. I.D., était impatient de rejoindre les premières lignes, plutôt que d'attendre les messages de ses troupes à son P.C..
Pas question de laisser toute la gloire aux panzers !

Sanem, petite localité luxembourgeoise, sans aucune importance stratégique.
Une voie ferrée traversait le village, et la voiture du général dut s'arrêter net devant le passage à niveau fermé.
Contrarié dans son élan, il se dressa, sans se douter qu'il était dans la ligne de mire d'un MAS 36.
La balle l'atteignit en pleine tête...
D'autres projectiles frappèrent le véhicule, qui fut évacué en catastrophe par l'officier d'ordonnance et le chauffeur, abandonnant le général à son triste sort.

Les tirs provenaient d'un "bouchon" tenu par un peloton du 6ème régiment de spahis algériens, appartenant à la 1re brigade de spahis du colonel Jouffrault.
Le maréchal des logis Guindet s'approcha de la voiture et découvrit avec stupéfaction que le général allemand était toujours vivant malgré sa terrible blessure.
Capturer un général ! Il y avait de la promotion dans l'air...

L'ayant fait évacuer vers l'arrière, il inspecta le véhicule et découvrit une sacoche.
Ce qu'il vit à l'intérieur, lui fit écarquiller les yeux !
Il appela un de ses hommes.
-prenez le side et portez ceci au plus vite au général Pétiet.
Ce faisant, il suivait la voie hiérarchique, puisque le général Pétiet commandait le groupement du même nom, qui, outre la 1re brigade de spahis, incluait aussi la 3ème D.L.C..
Que ne l'avait-il fait porter directement au P.C. de la IIIème armée...

3ème batterie-1er groupe de 155mmm courts Schneider-13 mai

-ça ne sent pas bon, mon lieutenant...
Depuis un moment en effet, de nombreux soldats refluaient vers l'arrière, certains sans arme.
-Dubois, tu m'en stoppes un ou deux, et tu leur demandes à quelle unité ils appartiennent.
Les fuyards répondirent aux questions, mais ne s'arrêtèrent pas pour autant.
-ils appartiennent au 205ème R.I....ce sont des réservistes...ils ont vécu l'enfer sous les bombardements...les chars boches auraient traversé la Meuse ?
-il faut enrayer ça, sinon ça va faire tâche d'huile !
-vous croyez ce qu'ils racontent, mon lieutenant ?
-pour les bombardements, vu ce que nous avons dégusté, je ne peux que les croire...par contre, pour les chars...
A ce moment, des cris parmi les fuyards.
-les chars arrivent ! les chars arrivent !
Le lieutenant Riquier ne perdit pas de temps.
-Dubois, toutes les pièces débouchent à zéro !
Effectivement, des blindés venaient d'apparaître non loin de la position.
-attends, Dubois, ce sont des automitrailleuses...putain, mais ce sont les nôtres !!!!
En effet, il s'agissait de cinq Panhard 178, dont le premier engin du peloton s'arrêta près du lieutenant.
-un autre lieutenant émergea de la tourelle, et se présenta de manière règlementaire.
-lieutenant Lefort, du 5ème R.A.M..
La réponse du lieutenant Riquier fut moins règlementaire.
-mais qu'est-ce que vous foutez-là!!! On a failli vous poivrer...
-on devait rejoindre la division et se placer en réserve, mais notre itinéraire de repli était encombré de fuyards...c'est comme ça qu'on s'est retrouvé chez vous...
-il y a des chars allemands derrière vous ?
-pas à notre connaissance...quand nous avons reçu l'ordre de repli, leur infanterie n'avait pas encore traversé la Meuse...et puis les ponts ont sauté...alors les chars doivent toujours être de l'autre côté.
-je n'ai pas d'ordre à vous donner, mais pouvez-vous nous aider à stopper cette foule incontrôlable ?
-ma foi, ça ne va pas être simple, mais on peut essayer.

I.R.G.D. 14 mai


   Le Grossdeutschland avait traversé la Meuse, non sans quelques difficultés dues à l'artillerie lourde française, dont les pièces n'avaient pas toutes été muselées.
   Comme si ça ne suffisait pas, il avait dû faire face à une contre-attaque de l'infanterie adverse soutenue par des chars.
   Les panzerbüchse s'étaient révélés impuissants face au blindage frontal des engins français; même les PAK 36 avaient eu du mal à en venir à bout, et ceci au prix de trois pièces et de leurs servants.
   Heureusement, l'aide était venue d'un Bufla et de son canon de 88mm, dont les obus perçaient les blindages adverses.
   Malheureux Bufla, détruit par erreur par une escadrille de Stukas !
   Et puis les premiers chars de la 10.Panzer-division avaient fait leur apparition, forçant l'adversaire à reculer.
   Il n'empêche, l'oberstleutnant Gerhard Von Schwerin n'était pas satisfait.
   Ses hommes, marchant aux comprimés de pervitine depuis trois jours, risquaient de s'écrouler à tout moment; et on lui demandait d'occuper la hauteur sur sa gauche, pour bloquer une éventuelle contre-attaque française !.
   Il avait fermé les yeux sur l'exécution par ses hommes de soldats français faits prisonniers, qui, à leurs yeux, leur avaient occasionné trop de pertes. 
  Ce sont les vainqueurs qui écrivent l'histoire...

            P.C. 10.Panzer-division 14 mai


   Les blindés du général Schaal avaient commencé à traverser la Meuse, juste à temps pour repousser une contre-attaque française.
   Il rédigea un rapport succinct destiné au général Kleist; charge à lui de le faire remonter plus haut.
   " Les chars légers que nous avons affrontés disposent d'un blindage frontal solide que seuls les canons de nos Mark III et IV peuvent perforer; à courte distance pour les premiers. 
   Par contre leur pièce de tourelle ne peut faire de mal qu'à nos Mark I et II. 
   Enfin, il faut noter aussi l'absence de radios qui rend impossible toute action coordonnée..."
   Il en était là de son rapport, quand un motocycliste lui remit un message urgent provenant du Panzergruppe.
  Ses adjoints lui virent faire la grimace.
   Apparemment, et comme il le craignait, les choses ne se passaient pas si bien sur sa gauche...

               1er groupe 155mm courts Schneider - 14 mai




   Le lieutenant Riquier avait réussi à regrouper une trentaine d'hommes parmi les fuyards, et les avaient transformés en terrassiers, sous la surveillance dissuasive des automitrailleuses du lieutenant Lefort.
   Il espérait que les autres groupes avaient pu en faire autant.
   Alors qu'il surveillait la progression des travaux, il aperçut une Laffly qui se dirigeait vers sa position.
   Celle-ci stoppa devant lui.
   C'est le colonel qui en sortit et qui l'apostropha violemment.
-Lieutenant, faites immédiatement évacuer la position ! Le matériel qu'on ne peut pas déplacer devra être saboté...exécution !
-mais, mon colonel...
-vous êtes sourd ?!! Les chars boches sont à Bulson, nous allons bientôt être débordés !
-à Bulson, mais, sauf votre respect, mon colonel, ce n'est pas possible...
-vous discutez mes ordres Riquier ?
    Le colonel, qui,visiblement,ne maîtrisait plus ses nerfs, sortit son arme de service, et la pointa sur Riquier.
    Pendant ce temps, Lefort était rentré dans sa tourelle et en avait prudemment refermé la trappe.
    La situation se débloqua à ce cri :
-alerte aux avions !
    Quatre Dornier 17, dont un traînait un panache de fumée noire, passèrent au-dessus du groupe, poursuivis par un même nombre de Curtiss H75.
    Le Dornier endommagé lâcha ses bombes au hasard, sans doute pour s'alléger.
    De nouveau, du bruit, de la fumée, et des appels.
    Cette fois-ci, Riquier avait plongé dans une tranchée et était indemne.
    On ne releva que quelques blessés légers.
    Par contre, du colonel, on retrouva son corps, mais pas sa tête.
    Ce qui fit dire, fort irrespectueusement, à Riquier que, d'une certaine manière, le colonel l'avait déjà perdue !
-Dubois, va voir les autres groupes...il n'y a aucun char allemand à Bulson...les ordres de replis sont sans objet.
    Lefort sortit de sa tourelle.
-lieutenant, vous croyez que ce vent de panique va cesser ?
-j'ai peur que ça ait fait tache d'huile...vous restez avec nous ?
-nous n'avons pas pu joindre le régiment par radio...nous sommes sans ordre...alors pourquoi pas ?
-votre aide nous sera précieuse...car je crois que les prochaines heures vont être chaudes !

   G.Q.G. Saacy-sur-Marne   14 mai


  
" notre front a été enfoncé à Sedan...il y a eu des défaillances..."
   Ce message du général Georges passait en boucle dans la tête du généralissime.
   Celui-ci se tenait debout, immobile, comme une statue de marbre, et ce, depuis plusieurs minutes.
   Le colonel Lagarde osait à peine respirer.
-Lagarde !
-mon général ?
-Je prends la main ! Transmettez mes ordres au général Georges : la VIIème armée de Giraud fera face au sud-est; lui adjoindre la 1re D.C.R....la VIème armée de Touchon couvrira la route de Paris; lui adjoindre la 2ème D.C.R....ordre au général Vuillemin : toute l'aviation, je dis bien toute l'aviation, interviendra au seul profit du secteur de Sedan.
-et pour le reste du G.A.1, mon général ?
-ordre au général Billotte : pas question de repli ! Jetez un oeil discret sur les mouvements du B.E.F..
-vous croyez que les anglais vont nous lâcher si l'affaire tourne mal ?
-ils joueront certainement leur partition...des nouvelles du XXIème corps ?
-ses divisions devraient être au contact demain, dans la matinée.

   Le généralissime se dirigeait de nouveau vers la carte lorsqu'un capitaine du 2ème bureau demanda à être reçu en urgence.
-qu'il entre !
-mon général, j'ai des documents de la plus haute importance à vous soumettre...
-de quoi s'agit-il ?
-nous les avons traduits...il s'agit des ordres de mission des troupes allemandes au Luxembourg...
-et ?
-elles doivent servir de flanc-garde pour contrer toute offensive françaises venant du sud !
-vous êtes sûrs de leur authenticité ?
-certain, mon général !
-depuis quand sommes-nous en leur possession ?
-heu...depuis le 10, mon général...vous savez, les transmissions...
   
Le généralissime faillit s'étrangler de colère, mais se ressaisit.

-donc, ils ne comptent pas enrouler la ligne Maginot...
-Lagarde !
-mon général ?
-trouvez-moi une carte du secteur de Sedan, et affichez-là sur ce mur.
-bien, mon général.

   Le généralissime contempla la carte pendant une minute.

-Lagarde !
-mon général ?
-comment s'appelle ce village sur la hauteur ?

                                                 STONNE

Panzergruppe Kleist    14 mai 


   L'ambiance y était tendue, c'est le moins que l'on puisse dire...
   Les blockhaus français du secteur de Monthermé continuaient à opposer une farouche résistance aux 6. et 8. Panzer-divisions du 41.A.K. du général Reinhardt.
   Son flanc gauche causait quelques inquiétudes au général Kleist.
   La Luftwaffe signalait des mouvements de troupes venant du sud de plus en plus importants.
   Et puis sa bête noire, Guderian, était injoignable et il pestait de se trouver sans nouvelle sur l'évolution de la situation !
   Il y avait comme un parfum de conseil de guerre dans l'air...

       Aux environs de Dinant  14 mai


   Le général Rommel, de la 7.Panzer-division, était en première ligne, dans son véhicule de commandement.
   Un opérateur de la Propaganda Kompanie était en train de le filmer, lorsqu'un obus de 155mm pulvérisa le véhicule de la P.K., et blessa le général qui dut être évacué.
   Ce qui fit dire, fort peu charitablement, au général Von Hartlieb de la 5.Panzer-division, qu'à trop vouloir être sous le feu des projecteurs, on peut finir sous le feu de l'artillerie...
   Il n'empêche que c'était un coup dur pour le XV. A.K. du général Hoth, qui perdait là un "fonceur".

         Village de Stonne   14 mai


   Von Schwerin était inquiet.
   Il avait organisé du mieux qu'il pouvait la défense de la position, mais ses hommes étaient épuisés et les PAK 36  en nombre insuffisant.
   Les deux divisions d'infanterie du VI. A.K. qui se trouvaient sur sa droite, ne  pouvaient lui être d'aucun secours, étant elles-mêmes aux prises avec deux divisions françaises, soutenues par des blindés, à Tannay et au Mont-Dieu.
   Il lui faudrait peut-être, la mort dans l'âme, demander du secours au XIX A.K..

G.Q.G. Saacy-sur-Marne   14 mai en fin de soirée


-où en est le IXème Corps ?
-les 11ème et 47ème D.I. font face à deux divisions allemandes à l'ouest de Stonne...elles tiennent        fermement leurs positions.
-le XXIème corps ?
-il se rassemble sous Stonne.
-c'est trop lent ! Trop lent ! Chaque heure qui passe nous est préjudiciable...Transmettez au général      Flavigny : n'attendez pas que toutes vos unités soient rassemblées! Attaquez demain matin à l'aube    avec tout ce que vous aurez pu réunir...
  
Le généralissime commençait à subir les effets néfastes de la pression; mais ce n'était pas le moment de faiblir!

-mon général ?
-oui, Lagarde ?
-le col...pardon, le général De Gaulle demande à être reçu.
-vous pouvez le faire entrer...j'espère qu'il aura une idée brillante pour nous sortir de ce         merdier...heu,  pardon Lagarde.
-ce n'est rien, mon général.

       Au même moment    3ème groupe de 155mm courts Schneider


-mon lieutenant !
-qu'y a t-il Dubois ?
-des véhicules arrivent sur nous...
-des chars boches ?
-non, au bruit, ce sont des véhicules à roues.
-passe-moi les jumelles...
-on les canarde, mon lieutenant ?
-bon sang, ce sont des nôtres !

Arrivèrent sur la position 4 Laffly, tractant des canons antichars de 47mm.
Un sergent sortit du premier véhicule et salua règlementairement.

-sergent Beuroy, à vos ordres , mon lieutenant.
-repos, Beuroy...mais d'où sortez-vous ?
-nous étions en train de rejoindre la 71ème D.I. quand nous avons été emportés par un flot de   fuyards !
-vous tombez à pic, car nous allons sûrement avoir de la visite !...
-mon lieutenant ?
-oui, Dubois ?
-sauf votre respect, on pourra bientôt baptiser la position " Fort Riquier " !

     Au même moment  19. A.K. (mot.)


-mon général, le Panzergruppe cherche à nouveau à nous joindre...j'accuse réception ?
-non ! Ils vont encore essayer de nous ralentir, alors que le succès de l'opération dépend de notre       vitesse d'exécution !
-mon général, un message du Grossdeutschland : des unités adverses se rassemblent devant lui,   avec  semble t-il, des blindés...il sollicite un soutien.
-télégraphiez au général Schaal d'aller les soutenir...j'espère ne pas détourner une Panzer-division     pour rien !

Problème de transmissions ? sans doute...
   Un message mal interprété, ou brouillé ?
   Toujours est-il qu'on n'a jamais su exactement si les combats pour Stonne ont débuté suite à un ordre formel, ou suite à une initiative personnelle.
    
   Ce qui est sûr, c'est qu' en cette fin de soirée du 14 mai, les cavaliers motorisés du 6ème G.R.D.I. ( 3ème D.I.M. ) du colonel Dufour, et les F.C.M.36 du 4ème B.C.C., progressèrent vers la hauteur, avec la ferme intention de s'en emparer.

   Derrière eux, le 21ème C.A. achevait sa concentration.
   Il était composé de la 3ème D.I.M., de la 3ème D.C.R. et de la 6ème D.I.C., sans oublier les unités organiques du C.A..
   La 3ème D.C.R. était de constitution récente, et loin d'être rodée, d'autant que suite aux ordres du généralissime, elle avait été fortement renforcée en blindés par un bataillon de chars D2, 2 bataillons de R35, et un escadron d'A.M.R.; auxquels étaient venus s'ajouter un bataillon de mitrailleurs motorisés et deux groupes de 105mm.
  Par contre, une seule batterie de 25 C.A. avait pu être prélevée sur la réserve générale.

  La 3ème D.I.M. était une unité d'active, bien entraînée, qui n'avait rien à envier à ses homologues d'outre-Rhin.

  Quant'à la 6ème D.I.C., on avait dû l'arracher à la réserve de la IIIème armée du général Condé, au grand dam de ce dernier. C'était une unité de série "A", a priori moins performante qu'une division d'active, mais qui allait se révéler solide sous le feu.

   Ce sont donc ces unités qui allaient avoir la tâche périlleuse d'infléchir le cours des événements en notre faveur.

Stonne 14 mai  en fin de journée

  Von Schwerin, voyant la nuit arriver, pensait qu'il allait pouvoir profiter de quelques heures de sommeil, ainsi que ses hommes, qui en avaient grand besoin.
  Las, un bruit de chenilles de plus en plus fort lui fit comprendre que son projet risquait d'être quelque peu retardé.
  Des chars français ! Du même type que ceux qu'ils avaient déjà affrontés...
  Panzer Alarm ! Les hommes se placèrent tant bien que mal en position défensive.
  Les français attaquaient sans préparation d'artillerie et alors que la nuit était presque tombée !

  D'après les témoins, de part et d'autre du village, ce fut une succession de bruits, d'éclairs...de loin en loin, un incendie illuminait la scène, ajoutant au chaos.
  Des balles traçantes striaient parfois l'horizon.
  On aurait pu se croire en train d'assister à un spectacle pyrotechnique...n'était-ce un spectacle de mort...
  
  Au bout d'un peu plus d'une heure, le calme revint petit à petit.

  Von Schwerin, après avoir vu ses derniers P.A.K., et leurs servants, écrasés par les chenilles des chars, comprit que sa situation était plus que compromise.
  Comble de malchance, il fut blessé en tentant d'organiser un repli, et dut être évacué.
  C'en fut trop pour ses hommes, qui perdirent toute volonté de résister.
  Ce fut une foule de soldats paniqués et hagards que les chars de tête de la 10. Panzer-division rencontrèrent.

  Côté français, malgré les pertes, on était plus que satisfaits du résultat.
  Stonne était entre nos mains, et le message fut transmis sans attendre au XXIème C.A..
  La réponse ne fut pas, mais alors vraiment pas, ce à quoi le colonel Dufour s'attendait !


                              3ème groupe 155mm courts Schneider


   La nuit était tombée.
   La position avait été consolidée avec les moyens du bord.
   Quelques mines n'auraient pas été de trop, mais il n'y en avait pas.
   Point positif, quand-même, une partie des "terrassiers" avait accepté de rester, pour l'essentiel ceux qui avaient encore leur arme.
   Quant'aux autres, Riquier les avait laisser partir, estimant qu'ils constitueraient une charge plutôt qu'un appoint.
   La prévôté saurait s'occuper d'eux le cas échéant...

-mon lieutenant, vous croyez qu'on passera une nuit peinards, parce que les gars ont bien besoin de     sommeil...
-je l'espère, Dubois...mais il faut rester vigilants.
-les tours de garde ont été distribués, mon lieutenant.
-va essayer de dormir, Dubois, tu me relèveras dans une heure.
-bien, mon lieutenant.

 Une nuit tranquille ? Pas si sûr, pensait Riquier...D'autant que les sons et les éclairs venant du nord-est, démontraient qu'elle ne l'était pas pour tout le monde.

G.Q.G. Saacy-sur-Marne-nuit du 14 au 15 mai




 Les deux hommes étaient figés devant la carte murale.
-vous voyez, De Gaulle, c'est ici que tout se joue...j'ignorais jusqu'au nom de ce village...mais de la   bataille pour Stonne dépend le sort de cette campagne...peut-être celui de la France...
-mon général, la France saura toujours trouver les ressources nécessaires à sa survie, le sort de la   France ne peut dépendre du seul résultat d'une bataille...
-oui...vous avez raison général.
 ( décidément, cet homme ferait un bon politicien...)

-mon général, message urgent du XXIème corps!

Le généralissime lut le pli, et son visage exprima aussitôt des émotions contradictoires.

-Stonne est entre nos mains !
-bonne nouvelle, mon général...
-oui, mais les grandes unités du corps sont toujours en cours de rassemblement...vous vous rendez-   compte, De Gaulle, mais la prise de Stonne est due à une initiative personnelle, et son auteur se voit   reprocher d'avoir agi sans ordres !!! Mes ordres au général Flavigny étaient pourtant bien clairs !!??
-le général Flavigny est un fantassin, mon général, je crains qu'il n'utilise ses blindés que par petits   paquets, et non en une masse compacte...

 Le généralissime, lui-même issu de l'infanterie, apprécia moyennement la remarque, mais dut reconnaître que son interlocuteur n'avait pas tort.

-vous excepté, existe t-il dans cette armée un général capable de manier des unités blindées ???
-si vous m'autorisez un avis, mon général, je pense que le général Doumenc est cet homme-là.
-je vais envoyer un ultimatum au général Flavigny...s'il n'attaque pas demain matin toutes forces   réunies, direction la tête de pont allemande de Sedan, il sera démis de ses fonctions !.
-puis-je disposer, mon général ?
-oui...heu non, attendez...il y a une 4ème D.C.R. en formation, vous en prenez le commandement...je sais que vous en ferez bon usage...
-merci, mon général.

-vous voyez Lagarde, c'est le temps...le temps joue contre nous...
-peut-être demain aurons-nous des nouvelles encourageantes du XXIème Corps, mon général.
-je l'espère, Lagarde, car nos adversaires ne vont pas rester inactifs !

3ème groupe 155mm courts Schneider -  15 mai à l'aube


 
Au final, la nuit avait été relativement tranquille; tant mieux, parce que les hommes avaient bien besoin de repos.
Le calme ne dura d'ailleurs pas longtemps...
-alerte aux avions !
Une douzaine de bimoteurs survolèrent la position dans un vacarme assourdissant, à moins de 50 m  d'altitude.
-ce sont les nôtres !
-effectivement, je crois que c'étaient des Bréguet 693...
-j'espère qu'ils vont leur en mettre plein la gueule aux salopards d'en face !
-moi aussi...les hommes ont l'air d'apprécier...

Le moment de grâce ne dura pas plus d'une minute.

-mon lieutenant, bruits de chars, droit devant !

Cette fois-ci, nous y sommes, pensa Riquier.


                          Etat-major du XXIème corps-15 mai à l'aube


-mon général, les troupes sont prêtes à avancer...
-attendez que j'en donne l'ordre !
-mais, mon général, les ordres du G.Q.G....
-je suis seul juge de la situation sur le terrain, mes flancs ne sont pas assurés...transmettez l'ordre au général Brocard de placer ses chars en bouchons de part et d'autre de Stonne.
-cela va prendre des heures...et si jamais nous devions regrouper la division...
-exécution !

                                 Stonne-15 mai à l'aube


 Le colonel Dufour ne s'était pas encore entièrement remis de la lecture du message du général Flavigny .
Il avait repris le village à l'ennemi, mais, sans ordre !!!
Ses demandes de renforcement étaient restées lettre-morte.
-mon colonel !
-oui ?
-ça bouge en face !
-vous ouvrirez le feu à mon signal.
-bien, mon colonel.
De là où il était, il pouvait apercevoir les chars de la 10. Panzer-division gravissant la pente menant au village.

                 Etat-major Panzergruppe Kleist-15 mai à l'aube



Le général Von Kleist n'avait pas digéré la perte de Stonne.
Il était vert de rage, et son aide de camp était dans ses petits souliers.

-il faut à tout prix que le VI. A.K. s'empare des positions de Tannay et du Mont-Dieu ! Par ailleurs je veux que Guderian me contacte dès que Stonne sera de nouveau entre nos mains ! Il n'est pas question de voir les français inquiéter notre tête de pont !
-les communications avec le général Guderian posent quelques problèmes, mon général...
-débrouillez-vous! Envoyez des estafettes s'il le faut! Mais je veux être au courant de l'évolution de la situation heure par heure...est-ce clair ?!!
-très clair, mon général.

Ce jour-là, l'aide de camp du général Kleist transpira plus que de coutume.

Secteur Tannay - Le Mont-Dieu 15 mai

  Le VI. A.K.  ( 16. et 24. I.D. ) lança son offensive un peu dans la précipitation et sans avoir le temps d'acheminer toute son artillerie.
  Par contre, son homologue française était bien en place, malgré les nombreux bombardements de la Luftwaffe, par ailleurs de plus en plus fréquemment contrés par les chasseurs de l'armée de l'air.
 Aussi l'attaque marqua vite le pas, et le 9ème corps ( 11ème et 47ème D.I. ) mena des contre-attaques appuyées par les R35 des 20ème et 24ème B.C.C., qui ramenaient systématiquement les assaillants sur leur ligne de départ.

  Comme à l'est de Stonne, la situation était également figée, les deux camps ne pouvaient qu'admettre que la possession de ce village était d'une importance capitale.



                          Ailleurs, en ce matin du 15 mai


  L'armé hollandaise était au bord de la rupture; et des nouvelles affirmaient que la Luftwaffe avait écrasé la ville de Rotterdam, histoire d'accélérer le processus.
  On parlait de dizaines de milliers de morts !

  Les Belges, appuyés par 4 divisions françaises tenaient bon, malgré l'abandon du canal Albert.

  Le B.E.F. avait repoussé toutes les attaques lancées contre lui, mais Lord Gort commençait à ressentir quelques inquiétudes pour son flanc droit.
  
  La Ire Armée se battait sur la Dyle " sans esprit de recul ".
  La première grande bataille de chars de l'histoire avaient vu s'opposer les blindés du 16.A.K. (mot.) du général Hoeppner, à ceux du Corps de cavalerie du général Prioux.
  Près de 1 200 engins s'étaient affrontés dans un carrousel meurtrier; l'affaire se terminant par un pat.
  
  La IXème armée souffrait beaucoup; certaines unités étaient au bout du rouleau.
  Par contre, la 102ème D.I.F. bloquait toujours le passage aux chars du 41.A.K. (mot. ), et la VIIème armée de Giraud s'employait à bloquer le 39. A.K. ( mot. ) dans le secteur de Dinant.

 La VIème Armée quant'à elle , terminait son rassemblement à l'ouest de Sedan.

Etat-major du  XXIème corps  15 mai  9 heures


  Lorsqu'il vit le général Doumenc  descendre du véhicule et se diriger vers lui, le général Flavigny comprit qu'il avait dû quelque peu contrarier le généralissime.
  Au dire des quelques témoins, la discussion fut tendue, mais polie.
  On rapporta juste la dernière phrase du général Doumenc :
-Jean, ne me forcez pas à user de mes prérogatives, je vous en prie...

  Ce qui est sûr, c'est que quelques minutes plus tard, le général Brocard reçut l'ordre de rassembler ses chars et de rouler vers Stonne.
  En fait, cela ne posa aucun problème au brave général, qui s'était bien gardé d'un commencement d'exécution pour l'éparpillement de ses engins.


          Etat-major Panzergruppe Kleist  15mai  9 heures


-notre VI.A.K. ne progresse pas...a t-on enfin des nouvelles de Guderian ??!!...Stonne est-il entre nos    mains ?
-hélas non, mon général...
-où en sont les divisions de Wietersheim ?
-la traversée de la Meuse est compliquée...nombreux embouteillages signalés...certaines unités n'ont    pas respecté leur itinéraire...par ailleurs on nous signale que les bombardiers français interviennent    en force sur nos colonnes de ravitaillement...
( en fait, ils les attaquaient car la FLAK y était moins dense et que les bombes faisaient plus de dégâts sur des camions que sur des chars )
-je le savais !!! Leur intention était bien de nous laisser nous engouffrer dans la brèche, puis de       couper notre ligne de ravitaillement...mettez-moi en relation avec Von Rundstedt !

G.Q.G. Saacy-sur-Marne   15 mai   8 heures




 Le généralissime marchait de long en large.

-tenons-nous toujours Stonne ?
-la dernière communication assurait que oui, mais que les allemands contre-attaquaient en force...
-le XXIème corps ?
-toujours immobile, mon général...
-que faut-il faire pour se faire obéir ???!!! Menacer du peloton d'exécution ???!!!
-dois-je contacter le général Flavigny ?
-inutile...Doumenc a bien compris mes instructions ! Il faut leur couper le cordon ombilical sans se     soucier des pertes...de plus, si nous tenons fermement Stonne, ce village constituera un excellent   observatoire pour que notre artillerie lourde bombarde leur tête de pont à coup sûr...c'est dire son   importance !
-je comprends, mon général.

               3ème groupe  155mm courts Schneider  15 mai  8 heures


-mon lieutenant, ils arrivent !

En effet, Riquier aperçut deux automitrailleuses, suivies de deux chars légers, qui se dirigeaient droit vers sa position.

-ils ont les trappes ouvertes...ils ne se méfient pas...
-ils se croient déjà en terrain conquis !
-sans doute...on va les ramener à la réalité !

 Le premier coup de 47mm traversa la tourelle de la première automitrailleuse, pour endommager la seconde !
   Puis les 25mm des Panhard se mirent de la partie...

-putain, on les a drôlement assaisonnés , hein, mon lieutenant !
-oui Dubois, mais ce n'était qu'une avant-garde...les autres ne vont pas tarder à suivre...
-on les recevra de la même façon...
-ce qui m'inquiète le plus, ce n'est pas tant leurs chars que leur infanterie...nous n'avons, à part les     fusils, qu'une mitrailleuse démodée et 4 FM...j'ai peur que ce ne soit pas suffisant.

Purée !
Je ne m'en lasse pas. Quel scénario alternatif !
Encore siou plait!

Bravo et merci

Atchao

Laurent